Peut-on être enceinte de deux hommes différents ?

Il n’existerait que quelques dizaines de cas dans le monde. L’un des plus récent est sans doute celui d’une Brésilienne qui a donné naissance à des jumeaux de deux pères différents comme l’a révélé le média brésilien Globo. La jeune maman a appris cette surprenante nouvelle 8 mois après la naissance des enfants. Alors qu’elle fréquentait plusieurs hommes à l’époque de la conception, elle a souhaité connaître le père des enfants. Après plusieurs tests de paternité, la maman a eu les résultats ainsi que la surprise d’apprendre qu’elle portait deux enfants de deux pères différents.

À noter : Il est absolument impossible qu’un seul et unique enfant naisse de deux pères différents.

Donner naissance à des jumeaux de deux pères différents est un phénomène extrêmement rare. La conception peut se faire de deux manières : à la suite d’une superfécondation hétéropaternelle ou d’une superfétation. Dans les deux cas, la future maman donnera naissance à ce qu’on appelle familièrement des « faux jumeaux » ou « jumeaux dizygotes ».

« C’est exceptionnel. Statistiquement, il est possible bien que rare, que deux ovocytes rencontrent deux spermatozoïdes de deux hommes différents », assure Magali Hilmi, gynécologue obstétricienne. Des scientifiques américains ont recensé une petite vingtaine de cas, entre 1978 et 2021 dans un article scientifique publié dans Forensic Science International. Ces cas de superfécondation hétéropaternelle étaient le plus souvent relevés lors d’un test de paternité. Un chiffre certainement sous-estimé dans la mesure où toutes les grossesses gémellaires dizygotes ne font pas l’objet d’analyse poussée.

Mais comment est-ce possible ? La « superfécondation hétéropaternelle » est un phénomène au cours duquel une future mère libère deux ovules lors d’un même cycle menstruel, qui sont ensuite fécondés par deux spermatozoïdes provenant de deux hommes différents. Pour ce faire, la fécondation doit avoir lieu lors d’un même rapport ou lors d’un rapport très rapproché. « Pour qu’il y ait une fécondation, sachant qu’un ovocyte a une durée de vie de 24 heures, les deux rapports doivent être très rapprochés dans le temps », confirme la gynécologue. Chez la femme, un seul ovocyte est expulsé d’un des deux ovaires à chaque cycle. Il arrive toutefois qu’une double ovulation se produise. Après l’ovulation, les deux ovocytes restent fécondables sur une période de 24 heures environ.

Sachant qu’un spermatozoïde peut survivre jusqu’à 5 à 7 jours dans l’appareil reproducteur féminin, une femme qui a des relations sexuelles avec plusieurs partenaires sur ces quelques jours peut très bien donner naissance à des jumeaux qui ont des pères différents. « C’est tout de même statistiquement rare. Cela suppose qu’une femme expulse deux ovocytes et que durant cette période, elle ait un rapport avec deux hommes différents ou deux rapports dont le premier n’aura fécondé qu’un seul ovocyte et le deuxième, le second. » Sacré hasard donc.

Plus rare encore, deux bébés peuvent naître d’une « superfétation », un processus durant lequel deux ovocytes sont fécondés au cours de deux cycles distincts. Autrement dit, une femme déjà enceinte connaît un second cycle, ovule une seconde fois et tombe à nouveau enceinte. L’utérus contient alors deux fœtus d’âge légèrement différents bien qu’ils soient jumeaux. C’est un phénomène extrêmement rare, car chez la femme, il n’est normalement pas possible de tomber enceinte quand on l’est déjà. « En général, lorsqu’une grossesse débute, le phénomène d’ovulation et de fécondation se stoppe », assure Magali Hilmi. Sans compter que les parois utérines empêchent logiquement un second embryon de s’implanter. « Mais comme lors d’une grossesse gémellaire classique, les deux fœtus vont évoluer l’un à côté de l’autre, chacun avec leur patrimoine génétique. Leur point commun sera qu’ils ont été fécondés quasiment en même temps et qu’ils évoluent dans le même utérus avec quelques semaines d’intervalles », poursuit-elle.

À noter : En cas de fécondation in vitro (FIV), il arrive que deux embryons soient implantés à quelques jours d’intervalles. On peut aussi parler de grossesse superfétatoire ou d’une superfécondation même s’il s’agit du même père.

Si une femme a des rapports sexuels avec deux hommes différents au cours de ces deux ovulations différentes, elle peut ainsi tomber enceinte deux fois, de deux hommes différents et plus tard, donner naissance à des jumeaux.

On ne sait pas encore exactement comment la superfétation s’explique. Dans un article (2008) publié par le Journal de Gynécologie Obstétrique et Biologie de la Reproduction, plusieurs hypothèses sont avancées par les médecins, comme des caractéristiques génétiques particulières, des traitements hormonaux ou une malformation utérine favorisant la procréation.

La rareté de telles grossesses rend la superfétation comme la superfécondation hétéropaternelle difficile à repérer. Beaucoup de mères comme leurs familles ne s’en rendent jamais compte. Ces grossesses sont bien souvent confondues avec des grossesses gémellaires dizygotes classiques, et seule la différence physique flagrante entre les jumeaux ou l’ignorance de la mère quant à la paternité peut mettre la puce à l’oreille après la naissance.

Avant l’accouchement, c’est principalement la différence de taille et de poids entre les deux fœtus, visible à l’échographie, qui permet de supposer un cas de superfétation. Bien que le plus souvent, le médecin cherchera un éventuel problème de croissance chez l’un des bébés. En cas de superfécondation hétéropaternelle, difficile de s’en rendre compte avant la naissance puisque les fœtus n’ont que quelques heures ou jours de différences.

Si auparavant, les observations visuelles des médecins permettaient de supposer qu’une grossesse était due à une superfétation (mais plus difficilement d’une superfécondation hétéropaternelle), aujourd’hui, un test de paternité peut confirmer avec certitude que des jumeaux ont deux pères différents.

Le suivi d’une grossesse gémellaire, qu’elle soit le fruit d’une superfécondation hétéropaternelle ou d’une superfétation, est toujours plus strict qu’une grossesse singleton. « Les grossesses gémellaires sont des grossesses plus à risque pour la future maman et pour les fœtus que les autres », assure la gynécologue Magali Hilmi. Des complications comme le diabète gestationnel, la pré-éclampsie, l’accouchement prématuré, le retard de croissance ou l’hémorragie du post-partum.

En cas de superfétation, il faut ajouter le fait qu’un des jumeaux n’a pas tout à fait le même âge. Les deux fœtus ne se développent donc pas à la même vitesse, ils n’ont pas la même croissance. Comme les nourrissons naissent en même temps, le plus jeune des nouveau-nés peut avoir besoin de soins néonatals si son développement n’est pas complet, surtout s’il est prématuré.