Déc 5, 2025 | Les Premiers Moments

Diabète et grossesse : programmation, suivi, traitements et risques

Sauf quelques rares exceptions, être diabétique n’empêche pas de devenir maman, fort heureusement. Autrement dit, il est tout à fait possible d’être enceinte et de mener à bien une grossesse tout en ayant, préalablement, du diabète, qu’il s’agisse d’un diabète de type 1, ou d’un diabète de type 2. À condition de prendre quelques précautions et mesures pour que tout se passe pour le mieux.

Diabète prégestationnel, diabète de type 2, de type 1 : de quoi parle-t-on ?

Avant de détailler le déroulé et le suivi d’une grossesse chez une femme préalablement diabétique, il appartient de bien définir ce dont on parle, car il n’y a pas un seul type de diabète, mais plusieurs, qui n’ont pas tant de choses à voir entre eux.

« Le diabète de type 1 est un diabète qui survient chez l’enfant ou l’adolescent, voire chez l’adulte jeune », souligne le Pr Anne Vambergue, diabétologue endocrinologue au CHU de Lille. Si bien que les jeunes filles ayant un diabète de type 1, insulinodépendant, sont suivies depuis leur enfance par un diabétologue endocrinologue, d’abord en service pédiatrique, puis en diabétologie. Ce qui simplifie la prise en charge lorsque le désir de grossesse survient, puisqu’elles ont déjà eu des informations sur la contraception et sur une éventuelle grossesse précédente.

« Le diabète de type 2 survient plus tard, et plutôt dans le cadre d’antécédents familiaux de diabète de type 2. Il est favorisé par le surpoids et l’obésité », indique la spécialiste. Si bien qu’il est possible d’avoir du diabète de type 2 avant d’avoir été enceinte, et ce d’autant plus qu’en France, l’âge moyen des femmes lors de la naissance de leur enfant se situe désormais au-delà de 30 ans. Et on peut parfois avoir un diabète de type 2 sans que celui-ci n’ait été diagnostiqué.

Un diabète peut en cacher un autre

« Lorsque l’on parle de diabète prégestationnel, ce peut donc être une personne vivant avec un diabète de type 1 qui a une grossesse, ou une patiente ayant un diabète de type 2 et dont le diabète est connu, et qui un jour va avoir une grossesse », précise la diabétologue. Ces deux diabètes n’ont rien à voir avec le diabète gestationnel, celui qui survient durant la grossesse, sans diabète antérieur. Et dans ce cas-ci, « on parle plutôt d’hyperglycémie au cours de la grossesse », indique la spécialiste.

Et lorsqu’une hyperglycémie survient au cours d’une grossesse, il peut s’agir d’un authentique diabète gestationnel, ou d’un diabète qui est antérieur à la grossesse mais qui n’était pas connu jusqu’alors. Il s’agit alors de femmes enceintes qui étaient diabétiques avant leur grossesse, sans le savoir. La distinction s’opère lors du dépistage du diabète gestationnel : « si la glycémie est supérieure ou égale à 1,26 g/l à jeun, ou si l’hémoglobine glyquée (HbA1c) est supérieure ou égale à 6,5 mmol/l, vous étiez très probablement diabétique avant d’être enceinte », précise le Pr Vambergue. Face à cette suspicion de diabète antérieur à la grossesse, de nouvelles analyses devront être réalisées une fois la grossesse terminée pour vérifier le taux de sucre et éventuellement proposer une prise en charge médicamenteuse. Les mesures hygiénodiététiques et l’activité physique régulière sont à poursuivre après la grossesse.

Une grossesse qui s’anticipe

Si être diabétique n’empêche pas a priori de mener à bien une grossesse, celle-ci s’anticipe. Une visite préconceptionnelle auprès de son diabétologue endocrinologue s’impose, en amont, afin de s’assurer que le diabète est équilibré, et d’adapter les traitements pour les rendre compatibles.

« C’est-à-dire que si on a un diabète de type 1, on va en discuter avec son diabétologue avant d’arrêter sa contraception. Et si on a un diabète de type 2, on va en discuter avec son médecin traitant également, avant d’arrêter sa contraception. Pourquoi cela ? Le premier élément, c’est qu’on sait qu’il existe un surrisque d’avortement spontané (ou fausse couche, N.D.L.R.) et de malformation congénitale qui va être proportionnel à notre niveau proportionnel à notre niveau d’équilibre glycémique ou à notre niveau d’hémoglobine glyquée », soit la proportion d’hémoglobine du sang qui a fixé du sucre, détaille le Pr Vambergue. « Plus on a une hémoglobine glyquée élevée au moment de la conception, plus on a un risque de malformation ou d’avortement spontané », poursuit la spécialiste.

Revenir aux niveaux de risques des femmes non diabétiques

Préparer la grossesse signifie ainsi, pour les femmes diabétiques, avoir une hémoglobine glyquée inférieure à 6,5 %, voire inférieure à 7 % avant d’arrêter sa contraception, avant la conception. De sorte que l’organogenèse du futur bébé, qui a lieu en tout début de grossesse, se déroule sans encombre.

« Lorsqu’on a atteint une hémoglobine glyquée autour de 6,5 %, voire inférieure à 7 %, on rejoint le taux d’avortement spontané et de malformation congénitale de la population non diabétique », explique la diabétologue. « Le fait d’avoir programmé sa grossesse va permettre de revenir au taux de la population non diabétique », insiste-t-elle.

Par ailleurs, un examen ophtalmologique est prescrit en amont de la grossesse. Il s’agit d’un examen de fond d’œil, pour identifier toute rétinopathie débutante qui pourrait s’aggraver pendant la grossesse. Un bilan médical permet également de rechercher et faire le point sur d’autres complications du diabète : syndrome d’apnée du sommeil, obésité associée, pathologie rénale etc.

Quels médicaments pour la femme diabétique enceinte ?

Les antidiabétiques oraux sont contre-indiqués durant la grossesse et l’allaitement, si bien que le traitement de référence du diabète durant la grossesse est l’insuline. Ce qui peut se traduire par une pompe à insuline ou des injections que l’on réalise soi-même quotidiennement.

Ce changement de traitement, des antidiabétiques oraux vers l’insulinothérapie, doit se faire en amont de la grossesse, avant la conception, pour être sûr que le traitement est bien dosé et le diabète bien géré. Quant aux nouveaux médicaments contre le diabète et l’obésité, les analogues e la GPL-1 (tels qu’Ozempic, Mounjaro, Wegovy) : ils doivent être arrêtés au moins deux mois avant la conception.

« Malheureusement, dans le diabète de type 1, on a moins d’une femme sur deux qui programme sa grossesse et dans le diabète de type 2, moins de 25 %. Il y a très peu de patientes qui programment leur grossesse », déplore la spécialiste, qui souligne que l’adaptation du traitement doit se faire dans l’urgence lorsque la patiente qui a du diabète est déjà enceinte et n’a pas anticipé. « Ce n’est pas la situation optimale parce que souvent, plus l’hémoglobine glyquée est élevée, plus on a un risque de malformation congénitale, et ces patientes sont souvent extrêmement inquiètes jusqu’à l’échographie du deuxième trimestre », prévient la spécialiste.

La grossesse aggrave-t-elle le diabète ?

« La grossesse peut aggraver les complications du diabète. On sait qu’il faut être très vigilant, notamment pour les complications métaboliques. Le risque d’acidocétose, qui une complication grave dans le diabète de type 1, est augmenté par l’état de grossesse, au deuxième et troisième trimestres. Ceci explique pourquoi nous éduquons les patientes avec une conduite à tenir très précise lorsque le taux de sucre est élevé. Il y a aussi un risque majoré d’hypoglycémies de la maman, notamment en début de grossesse du fait des nausées et vomissements possibles », liste le Pr Vambergue. Fort heureusement, avec un suivi approprié, une grossesse planifiée et anticipée, des traitements adaptés, grossesse et diabète sont compatibles, et le risque de complications est minoré.

Quand et comment doit se faire l’accouchement d’une femme diabétique ?

Le plus souvent, l’accouchement est déclenché entre 38 et 39 semaines d’aménorrhée. Pourquoi un tel déclenchement est-il nécessaire ? « Parce que l’on sait qu’en fin de grossesse, il y a des risques pour le bébé, et qu’il n’y a pas de bénéfice à aller jusqu’à 41 semaines d’aménorrhée », nous répond l’endocrinologue. Par contre, la complication la plus souvent retrouvée en lien avec le déséquilibre de la glycémie est le risque d’avoir un « gros bébé ». On parle de macrosomie fœtale. « Or, qui dit un bébé dont le poids va être plus élevé, dit un plus grand risque de césarienne, et de dystocie des épaules (épaules qui « bloquent » lors de la délivrance, rendant l’accouchement plus long et plus difficile, et entraînant des risques pour la mère et pour l’enfant, N.D.L.R.). La décision de déclencher l’accouchement va être prise de manière pluridisciplinaire, entre le diabétologue, la sage-femme, l’obstétricien, en fonction de la croissance fœtale », précise le Pr Vambergue.

Enceinte et diabétique, la césarienne n’est pas systématique

Si le déclenchement de l’accouchement est souvent entrepris, la césarienne n’est en revanche pas systématique. « Il n’y a pas d’indication à « césariser » tout le monde », rassure la spécialiste. La décision de recourir ou non à la césarienne est liée à la taille du bébé et à la taille du bassin de la future maman. C’est une décision obstétricale, qui n’est pas en lien avec le diabète en lui-même.

Activité physique, alimentation : les recommandations en cas de diabète

La femme diabétique, comme les non-diabétiques, doit, idéalement, avoir une alimentation saine et équilibrée, et un mode de vie sain. Comprenez, manger au moins cinq portions de fruits et légumes par jour, limiter les aliments trop gras, trop salés et trop sucrés, faire la part belle aux céréales complètes, manger suffisamment de protéines, des légumineuses, etc.

Quant à l’activité physique, si l’équipe obstétricale a donné son feu vert, elle n’est nullement contre-indiquée, au contraire. Être enceinte, avec du diabète ou non, ne doit pas pousser à rester alitée, mais à continuer à bouger. De nombreux sports sont particulièrement adaptés, car sans risque de chute (natation, marche rapide, Pilates, etc.).

Particulièrement motivées parce qu’il en va de la santé de leur futur bébé, la plupart des femmes qui ont du diabète profitent de leur grossesse pour amorcer un changement dans leurs habitudes alimentaires, et manger plus sainement, se réjouit le Pr Vambergue.

Hérédité : l’enfant d’une mère diabétique a-t-il plus de risque d’être lui aussi diabétique ?

Il y a, dans le cas du diabète de type 2, une possible composante héréditaire, car ce diabète survient souvent chez des personnes ayant des antécédents familiaux de diabète de type 2. Cela dit, cela pourrait être dû à d’autres facteurs environnementaux, tels que l’alimentation ou le mode de vie. Quoi qu’il en soit, une mère ayant un diabète de type 2 ne transmet pas le diabète à son bébé durant la grossesse. Quant au diabète de type 1, son apparition est plutôt sporadique, si bien que les patients n’ont souvent personne d’atteint dans leur famille. Il n’y a pas non plus de transmission de la maladie de la mère à l’enfant, le diabète n’étant pas une maladie héréditaire au sens propre du terme, de façon directe et immédiate.

Notons cependant qu’un nouveau-né d’une mère ayant du diabète a plus de risque de se retrouver en hypoglycémie durant les 24 à 48 heures qui succèdent à l’accouchement, notamment en cas de gros bébé ou de diabète déséquilibré. Ce qui nécessitera une surveillance et une prise en charge adéquates par l’équipe médicale.

Peut-on allaiter quand on est diabétique ?

Le diabète n’est pas une contre-indication à l’allaitement. L’allaitement est conseillé, et tout à fait bénéfique pour le bébé et la maman. Cela dit, là aussi, il est nécessaire d’adapter les traitements : lorsque l’on a un diabète et que l’on choisit d’allaiter, pas question de reprendre les médicaments antidiabétiques oraux. Le traitement par insuline doit être conservé, mais possiblement modifié, avec des doses diminuées, car l’allaitement peut favoriser les hypoglycémies maternelles.